La maladie d’Alzheimer est la forme la plus courante de démence chez les personnes âgées. En France, 850 000 à 1 million de personnes souffrent de cette maladie. On en attend 2 millions en 2020. A 80 ans, 15% de la population est affectée.
PAR MARINE DODET / NATUROPATHE, FORMATRICE, CONFÉRENCIÈRE
La vision traditionnelle de cette maladie consiste en la rencontre de 2 processus dégénératifs, fréquents au cours du vieillissement : l’accumulation d’un enchevêtrement de molécules (la protéine Tau) à l’intérieur des cellules nerveuses responsables de la mémoire, et le développement de plaques bêta-amyloïdes (dites plaques séniles) à l’extérieur des neurones, principalement dans le cortex (siège de la pensée consciente). La plupart des recherches mondiales concernent encore aujourd’hui l’étude de ces deux structures.
Cependant, de plus en plus d’études pointent un nouveau phénomène récemment mis en évidence : la maladie d’Alzheimer cacherait un problème de métabolisme1 du glucose (le sucre). Jusqu’à récemment, on pensait que l’insuline n’était produite que dans le pancréas, une glande située juste derrière l’estomac. Mais en 2005, une importante étude, publiée dans le Journal of Alzheimer’s Disease, a montré que l’insuline pouvait être produite dans le cerveau. Autrement dit, le cerveau peut produire sa propre insuline !
Les rôles de l’insuline dans le cerveau ont été relativement peu étudiés, mais on sait que l’insuline est importante pour la croissance et la survie des cellules. Comme partout, elle constitue une clé permettant au glucose de pénétrer dans la cellule. Dans le cerveau, elle participe aussi à la régulation des connexions neuronales, à l’activation, la croissance et la réparation des neurones ainsi qu’à leur protection. Et non seulement elle régule le métabolisme du glucose mais elle joue aussi un rôle important dans l’apprentissage et la mémoire. Elle inhibe aussi la prolifération des plaques bêta- amyloïdes et des protéines Tau…
Selon l’étude de 2005, confirmée depuis par d’autres études, c’est le métabolisme du sucre qui est déficient dans l’Alzheimer. En particulier, la sensibilité des récepteurs à l’insuline (à la surface des neurones) est moindre et ceux-ci fonctionnent moins bien. Il en résulte un phénomène de résistance à l’insuline dans le cerveau, responsable de la déficience cognitive et de la maladie d’Alzheimer. N’oublions pas en effet que le cerveau est un gros consommateur d’énergie et que son carburant principal est le glucose. Ce dysfonctionnement insulinique dans le cerveau expliquerait en grande partie les lésions observées dans la maladie d’Alzheimer.
L’équipe de chercheurs à l’origine de ces études a donc proposé le nouveau terme de diabète de type 3 pour se référer à cette maladie, le diabète qui n’affecte que le cerveau. De plus, il existerait une progression graduelle de l’insulino-déficience et de l’insulino-résistance dans certaines parties du cerveau chez les personnes atteintes d’Alzheimer. Autrement dit, le cerveau ne produit plus assez d’insuline et certaines cellules cérébrales ne répondent plus comme d’habitude à l’insuline.
Ce processus empire progressivement avec le temps.
L’origine de cette déficience dans la production et l’utilisation de l’insuline dans le cerveau n’est pas encore élucidée. L’inflammation du cerveau semble être un facteur important dans la maladie d’Alzheimer et joue très probablement un rôle dans ce dysfonctionnement.
De même, l’analyse de la composition des plaques séniles, qui sont également formées d’une autre substance, l’apolipoprotéine E – qui sert notamment de transporteur au cholestérol – pointe du doigt le dysfonctionnement du métabolisme des lipides (les graisses). C’est pourquoi de nombreuses études indiquent qu’il vaut mieux avoir un peu plus de cholestérol que pas assez en vieillissant !
À suivre…
1 / Métabolisme : processus complexes et incessants de transformation de matière et d’énergie par une cellule ou l’organisme.
Sources :Bedse G. et al. 2015. “Aberrant insulin signaling in Alzheimer’s disease: current knowledge”, Frontiers in Neuroscience, vol. 9, article 204.
De la Monte S.M. & Wands J.R. 2008. “Alzheimer’s disease is type 3 diabetes– Evidence reviewed”, Journal of Diabetes Science and Technology. Vol. 2, pp 1101-1113.
Newport M.T. « Maladie d’Alzheimer, et s’il existait un traitement ? Les molécules de l’espoir » Editions Josette Lyon, 2014.
Sato N. & Morishita R. 2015. “The roles of lipid and glucose metabolism in modulation of b-amyloid, tau, and neurodegeneration in the pathogenesis of Alzheimer disease”, Frontiers in Aging Neuroscience, vol. 7, article 199.
Souccar T. 2011. « N’attendez pas que votre médecin vous déclare Alzheimer », Santé Nature Innovation.